Ce qu’il y a de marrant dans les journaux féminins, c’est que les articles sur les actrices/chanteuses/mannequins/wannabe-it-girls sont toujours dithyrambiques. La journaliste aura toujours l’air convaincu du bien fondé du régime vanté par l’interviewée (« oh, uniquement des graines non germées à tous les repas, quelle idée fantastique »), même si elle pense le contraire (« non mais quelle freak control, à obliger sa fille de 5 ans à avoir un gâteau d’anniversaire végétalien ». et d’ailleurs c’est quoi, végétalien ? parce que j’étais persuadée que ça se rapprochait de végétarien, en plus strict, mais clairement non, parce que je vois pas trop comment un gâteau d’anniversaire peut être végétarien : « non, non, merci, jamais de lapin dans la tarte au citron pour moi »). Elle s’émerveillera toujours de ce que la mannequin mange normalement (« Maria-Carla qui mange un cake à la semoule, mais c’est fantastique » - à mon avis il faut vraiment avoir envie de montrer qu’on mange normalement pour avaler un truc aussi bourratif), même si elle l’a entendue 10 minutes plus tôt se vanter de peser chaque aliment avant de le manger, même pour le dentifrice et les chewing-gum. Elle compatira chaque fois que la pauvre chanteuse se plaint parce que « tout le monde m’offre des vêtements, j’aimerais bien en acheter moi-même parfois, comme les gens normaux, tu comprends ? », alors qu’elle-même est sur liste d’attente pour avoir l’écharpe imprimé léopard Louis Vuitton (grand mystère aussi, les listes d’attente. Pour un Birkin d’accord, c’est pas comme si il allait se démoder d’ici le mois prochain. Mais trois mois d’attente pour une écharpe ? alors qu’elle sera, selon les critères en vigueur, complètement banale à cette date ?) ou a du renoncer à des vacances à Marrakech pour s’acheter une paire de Manolos.
La journaliste admirera béatement la mannequin qui se vante de continuer à suivre un parcours scolaire normal tout en faisant la couverture de Vogue. Surtout les mannequins anglaises de moins de 18 ans, parce qu’on sait tous que le système scolaire britannique est terriblement accaparant. Ou celle qui ont 19 ans et déclarent avoir « la sensation d’avoir déjà fait le tour de la profession », puisqu’elles ont « défilé à Paris, New-York, Londres et Milan. Alors qu’est-ce qu’il me reste à voir maintenant ? ». Non, elles ont plutôt l’intention de « se consacrer aux autres, à toutes ces pauvres estoniennes (ou une quelconque nationalité de l’Est, pourvu qu’elles soient blondes, grandes et aux côtes saillantes) qui n’ont pas eu autant de chance que moi. Oui, je ressens durement leur malheur, étant passé par là. 18 ans est l’âge de ma maturité, et je veux m’investir dans une association humanitaire ». « Oh, ah » dit la journaliste. Battements de cils modestes de la mannequin : « j’ai accepté de devenir égérie de cette marque de maquillage pour financer mon projet et parce que ma grand-mère a.do.rait cette marque. A chaque achat 20 cts seront reversé à mon association, I Love Poor Ukranian Babies. Je me suis beaucoup investie dans ce projet, de la création jusqu’au photoshoot » - comprendre qu’elle est passé au labo, a déclaré en voyant un échantillon « oh c’est joli comme couleur », le-dit échantillon ayant donc ensuite été choisi pour le fond de teint. Au mieux, on lui aura demandé de décorer les boîtiers – ce qui donne des résultats mitigés, allant du dessin pas si moche à l’imprimé léopard (parce que c’est bien connu, il faut avoir un sens inné de l’art pour recouvrir un poudrier de tissu tacheté).
Parfois, la journaliste doit aussi interroger une It-Girl. La it-Girl étant par définition une fille qui ne fait rien, à par changer de vêtements pour lancer des tendances. Age moyen : 20 ans (la plus vieille étant tout de même Kate Moss, et une des plus jeunes Taylor Momsen). La pauvre enfant se débat dans les affres de sa dure vie (« j’ai rompu avec mon copain, ça allait faire 1 an dans 8 mois qu’on sortait ensemble. C’est tellement dur, je crois que je ne pourrai plus jamais aimer. ») tout en essayant de prouver au monde entier qu’elle ne fait pas la Une des magazines uniquement parce qu’elle va en boîte en petit culotte (ou en jupe et sans petite culotte, c’est selon) ou parce que son père est le chanteur à grosse bouche d’un groupe mondialement connu et sa mère une mannequin exotique (le top du top étant la mannequin égérie du swinging London ayant fait un overdose quand la it-Girl avait 5 ans). La journaliste a alors la tâche exténuante de dissimuler au monde entier la triste vérité, c'est-à-dire qu’une fille de 16 ans, chaussures Balenciaga aux pieds ou pas, ça a pas grand-chose d’intéressant à dire.
Mais jamais, jamais la journaliste n’avouera dans son article qu’elle est verte de jalousie parce que la personne qu’elle interviewe a commencé sa vie en Russie à fouiller les poubelles, est devenue une mannequin mondialement connue qui justifie l’existence de Prada (i.e. Muccia crée des vêtements qui vont effectivement à des personnes), en a profité pour épouser un lord anglais avec qui elle file le parfait amour depuis 10 ans, et a trois enfants sans augmentation proportionnel de son tour de hanche. Et surtout aussi parce que cette mannequin, en plus d’être belle et riche, en plus, en plus, elle est gentille.
et pour ceux qui se demanderaient, c'est pas juste moi qui craque le dimanche après-midi : les anecdotes citées ne sont pas inventées.
et pour ceux qui s'ennuient, vous pouvez essayer de retrouver de qui je parle ^^.