« American Psycho » est le livre le plus nauséeux, le plus vomitif, le plus cauchemardesque et paradoxalement le plus infantile que j’ai lu depuis longtemps.
C’est le bouquin typique des années 90, écrit à la gloire et à la décadence de toute cette catégorie de personnes qui passaient leur temps à travailler ou à comparer leurs salaires astronomiques, sanglés dans leurs costumes Armani, la peau dorée à l’auto-bronzant et les mains fraîchement manucurées – hommes comme femmes. Ils achètent le tout dernier baladeur cassettes, louent des vidéos et passent plus de temps à se laver les cheveux que moi. Ils idolâtrent les marques au point d’en oublier les couleurs, croient aux vertus du sport à haute dose et des coupes de cheveux à 1000 dollars. Ils possèdent des œuvres d’art pas parce que c’est beau, mais parce que ça fait bien. Et une fois qu’ils sont persuadés d’avoir la carte de visite la plus sophistiquée de l’assemblée, leur principal souci est de savoir si le SIDA n’est réellement transmissible qu’aux noirs, aux homosexuels et aux drogués.
La première partie du livre est en fait assez ennuyeuse. Il s’agit d’une longue description lénifiante de la vie de Patrick Bateman, gestionnaire de portefeuilles cocaïnomane qui se tape des crises d’angoisse parce qu’il y a trop de choix au vidéoclub, et est au bord des larmes quand il n’est pas certain de pouvoir dîner dans le dernier restaurant à la mode. Le tout ponctué d’avis tranchés et méprisants sur des sujets aussi décisifs que : « faut-il assortir ses chaussettes à son pantalon ou à sa ceinture ? ». Ce qui le rend franchement ridicule et antipathique. Cette partie-là, sans être cauchemardesque, est malsaine de par son décor dantesque : un New-York sale et bruyant, où chaque coin de rue abrite un clodo puant et pathétique auquel on s’amusera à tendre un billet pour le ranger dans sa poche ensuite ; et des clubs branchés bruyants et enfumés, où personne n’est capable de se reconnaître et où des collègues de bureau s’appellent par le nom d’employés des sociétés concurrentes.
Mais au lieu de jouer sur ce malaise, le héros de Ellis pète un câble et décide de tuer et violer pour calmer ses accès de colère. Il assassine un clochard qui fait la manche, un livreur qui amène la nourriture en retard, une prostituée pas assez blonde à son goût, une ex-petite amie qui lui a fait remarquer qu’un tableau de son appart’ était accroché à l’envers, un collègue qui a une carte de visite plus sophistiquée… Les tortures se succèdent aussi vite que les motifs sont futiles, le tout entrecoupé par des monologues sur les mérites de Phil Collins avec ou sans Genesis et des aveux ignorés ou interprétés de travers par son entourage. Les cent premières pages à ce rythme ont déjà du mal à passer, et ensuite les langues coupées aux ciseaux à ongles, les yeux arrachés de leurs orbites, les seins explosés à coup de décharges électriques, le cannibalisme… ça devient vraiment insupportable. J’en avais envie de vomir et le soir j’ai cru que je n’arriverai jamais à m’endormir à force de revoir les scènes encore et encore. J’ai mis le livre tout au fond de mon tiroir et je me suis précipitée à la bibliothèque emprunter autre chose.
D’après pas mal de critiques, Brent Easton Ellis a transposé dans les actes de son héros la violence de la société. Mais à vrai dire, je me fiche pas mal de son intention philosophique ou dénonciatrice. C’est juste un bouquin immonde, et dès que j’en ai l’occasion je m’en débarrasse.