Friday, August 1, 2008

soirs d'été

Il y a des habitudes qui ne changent pas. A la maison, c’est celle de s’asseoir sur le perron l’été le soir. C’est forcément l’été : la porte de devant est ouverte, la voisine va passer nous dire bonsoir parce que c’est l’heure où elle s’ennuie, Papa mange de la glace au café, Maman a trop chaud. C’est forcément le soir : le chat est rentré et observe la rue depuis le premier étage, Papa s’endort sur le banc, Maman ne se plaint plus de la chaleur parce qu’il commence enfin à faire frais, et nous attendons que le lampadaire juste en face de la maison s’allume pour pouvoir continuer de lire. J’aime bien cet instant, quand il fait trop sombre pour lire sans lumière, mais que le lampadaire est encore éteint. Il y a toujours cette légère hésitation : est-ce que ce soir encore, la ville allumera l’éclairage public ? bien sûr que oui, d’ailleurs ; je ne me souviens pas d’une seule soirée où ce luminaire serait resté éteint.
Parfois des gens viennent nous tenir compagnie. La voisine, donc, quand elle est là et qu’elle s’ennuie ; elle passera le reste de la soirée à nous raconter des anecdotes de l’époque où elle était agent immobilier. Ou des visiteurs, quand il y en a ; te souviens-tu que, la veille de ma communion (privée ou solennelle, d’ailleurs ?), vous étiez restés à parler avec les gens déjà arrivés dehors, longtemps après que je sois allée me coucher (ça devait être ma communion privée, pour que je me couche si tôt).
Mais la plupart du temps, nous sommes seuls, juste tous les quatre. Papa est assis sur le banc et fait semblant de lire un magazine ; mais en fait, il est juste en train de s’endormir, et ne va pas tarder à aller se préparer un chocolat qu’il boira juste avant d’aller se coucher. Invariablement, Maman interrompra sa lecture pour lui dire «qu’il n’a pas vraiment besoin de ça », puis retournera lire le Figaro, dont elle nous infligera parfois la lecture orale des passages les plus scandaleux. Mais personne ne l’écoute, c’est aussi une tradition estivale.
Et nous deux, nous sommes assises sur le perron, et nous lisons les versions été de nos magazines habituels. Invariablement, Elle versera dans le magazine people (avec, cette année une rubrique psychologie ayant pour le moment débattu de « Georges Clooney est-il incasable » ou « Victoria Beckham est-elle juste une image ? ») tout mince (parce que, comme ils l’avaient expliqué une fois, « en été, votre magazine préféré fait lui aussi un régime) ; et il y a aura les traditionnels quatre romans courts qui, dès la rentrée, prendront la poussière sur un coin de mon bureau jusqu’aux prochaines vacances (mais cette année, ils ont été remplacés par un feuilleton d’AGA et une réécriture des fables de la Fontaine par Fonelle). Madame Figaro essayera de rester un peu plus sérieuse, en présentant chaque semaine une nouvelle inédite d’un écrivain qui publiera sans doute un roman à la rentrée littéraire ; et les premières pages d’un des romans de l’été. Bien sûr, dans les deux, on retrouvera les mêmes articles qui expliquent comment perdre 10kg l’été en se nourrissant de lait d’avoine et de quinoa cru, les mêmes questionnaires hebdomadaires plus ou moins drôles à un people pour savoir ce qu’il fait de ses vacances (ce qui nous permettra tout de même d’apprendre qu’Irina Lazzareazu se trouve « trop maigre, plus plate que plate et blanche comme une aspirine »), et les mêmes actrices qui auront posé sur une plage de Deauville ou de Cannes et détailleront à l’infini le contenu de leurs valises, où elles auront placé, quel heureux hasard, le maximum de produits de la marque dont elles sont égéries (Eva Green dans Madame Figaro : « je ne pourrais pas me passer de mon soutien-gorge en dentelle noir Dior, la crème or de vie de Dior et le parfum Midnight Poison ». De qui est-elle l’égérie ?).
Puis il commencera à faire trop frais, Maman se rappellera qu’elle travaille le lendemain et des ronflements discrets se feront entendre du côté du banc. On rentrera les journaux, on fermera la porte, le chat descendra à la cave et tout le monde ira se coucher. Mais c’est sans importance, parce que demain, nous passerons encore la soirée dehors, tant que le lampadaire voudra bien rester allumé et qu’il ne pleuvra pas.

1 comment:

Lucie said...

decoupe pas les elles/point de vue avant que je revienne hein.
xxx