"I wish I was a woman of about 36 dressed in black satin with a string of pearls.
- You would not be in this car with me if you were."
Rebecca, Daphnee du Maurier
J’ai commencé à lire Elle jeune – j’étais encore au collège – puis Cosmo et Glamour ont suivi au lycée. La plupart des articles me passaient pas mal par-dessus la tête. Je ne me maquillais pas tous les jours, je ne portais surement pas de talons compensés, j’étais à mille lieux de m’inquiéter de l’entente entre mon copain et ma mère et les seules cravates qui m’intéressaient étaient celles que j’achetais pour l’anniversaire de P. Au cours des années, j’ai lu de plus en plus de journaux féminins, avec toujours un certain détachement, parce que je savais bien que j’étais trop jeune et trop provinciale pour être réellement concernée.
Et puis l’autre jour, j’ai acheté un Cosmo anglais à la gare, pour me tenir compagnie pendant mes trois heures de TGV Karlsruhe-Paris. Assise sur le quai entre un allemand ventru et un pigeon qui lorgnait sur mes frites, je me renseignais donc passivement sur la vie de Leighton Meester ou les dernières tendances en matière de vernis à ongles, quand tout d’un coup, j’ai eu une révélation : j’ai enfin l’âge de lire ces magazines. Je peux enfin porter des mini jupes en cuir et des stilletos (mais pas les deux en même temps, faut pas craquer non plus). Je peux suivre les conseils maquillage et coiffure, et me sentir concernée par leur dossier spécial couple (voir même appliquer leurs conseils sexe dans la limite de mes talents de contorsionniste). Comme ça, ça peut paraître anodin, mais ça m’a vraiment fait toucher du doigt à quelle point je n’ai toujours pas l’impression d’avoir 20 ans.
Quand j’étais plus petite, je m’imaginais a 20 ans (ou alors juste 18, parce que 20 c’était loooooin) un peu comme un archétype de toutes les filles que j’ai vu défiler dans les magazines au cours des années : grande, mince, habillée avec un chic facile mais qui en impose quand même, un sac à main nonchalamment accroché à mon coude et un chignon fait en deux deux il-est-trop-bien-réussi-même-sans-miroir. Ou à défaut du chignon, de longs cheveux aux reflets brillants, qui cascaderaient élégamment par dessus mes épaules (j’ai du voir trop de pubs l’Oréal pendant mon enfance). Des talons bien sur, pour atteindre 1m70 de confiance en moi et d’assurance inébranlable. Et plein d’esprit et d’humour que j’emmènerais de soirées chics en fêtes folles. Pour préserver mon ego, je ne chercherai pas les 7 erreurs cachées dans cette description, mais le bilan reste le même : j’aurais 21 ans dans moins de 2 mois (gnih), et j’ai toujours l’impression d’en avoir 16.
La dernière fois que j’ai été chez le coiffeur, M. s’est faite complimenter pour mon calme par la coiffeuse qui était persuade que j’avais 16 ans. A Dublin j’ai du montrer ma carte d’identité pour acheter une pinte de cidre. La plupart des vendeurs me traitent comme quantité négligeable, puisque visiblement je n’ai pas l’âge requis pour posséder une carte de crédit. Et ne parlons même pas de la manière dont P. et M. me traitent quand je rentre à Nevers… Je m’arrêterai la, mais l’idée générale reste la même : comment suis-je censée me sentir adulte si on ne me traite pas comme telle ?
Qu’est-ce que j’ai raté ? A quel moment la transition aurait-elle du se produire ? Est-ce qu’il n’y a vraiment que moi a qui ca fait ca ? Parce qu’à voir les photos de certaines filles qui étaient avec moi au collège, on dirait bien qu’elles n’ont pas eu de problème à passer de l’un à l’autre. Peut-être que ca vient de leur milieu social, ou peut-être de l’école ou je fais mes études. Peut-être que j’ai juste une mauvaise impression, et que quand je retournerai a l’insa en octobre j’aurai l’air très adulte aux yeux des PPA. Comme me l’a fait remarquer M. en sortant du coiffeur, « dans vingt ans tu seras contente d’avoir l’air jeune ». En attendant, je tiens mes lectures pour responsables ; ce sont elles qui m’ont formatée pendant dix ans à me projeter comme l’archétype de la parisienne élégante. Et je n’ai jamais eu l’impression d’en être aussi loin qu’au moment où j’écris ma lettre pour Cartier, assise derrière mon petit bureau allemand avec mon petit pull Etam, mes chaussettes rayées et ma queue de cheval.
images : campagne de pub Gérard Darel enfants, 2008
images : campagne de pub Gérard Darel enfants, 2008
1 comment:
L'ennui avec ces magasines c'est qu'ils sont fait pour les ado(e)s en faisant croire que c'est pour les adultes, alors que c'est pas le cas.
Et tu critique pas ma chérie toi d'abord :p
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